Histoire du Graphisme
les origines du graphisme
Arts and Crafts
La typographie naît avec l’invention par Gutenberg des premiers caractères mobiles, qui sont gravés sur le modèle des lettres gothiques dites dites "de formes" ou Textura. Elle s’inscrit dans la tradition du manuscrit médiéval dont les ouvrages imprimés sont des interprétations « mécaniques ». À Paris, les premiers imprimeurs réalisent dans les années 1480 des livres liturgiques composés en Textura selon ces codes ancestraux.
Cependant, la typographie en Italie prend un autre cours. Les humanistes y voient un terrain privilégié de recherche, le dessin de la lettre devant à leurs yeux incarner la redécouverte des lois idéales de la proportion et le texte, expurgé des surcharges moyenâgeuses, renouer avec la simplicité de l’écriture antique. Ils fondent les principes de conception de la lettre romaine et généralisent son emploi dans la péninsule à la fin du XVe siècle. À Venise, Alde Manuce, un des premiers imprimeurs humanistes, fait appel au tailleur de poinçons Francesco Griffo pour graver un caractère « romain » et un autre, inspiré de l’écriture cursive des brefs pontificaux, qui se généralise sous le nom d’italique. Caractères qu’il utilise dans ses ouvrages dont la mise en pages aérée rompt avec celle des manuscrits.
Les guerres d’Italie déclenchées par les ambitions de la monarchie française au tournant du XVIe siècle font découvrir aux élites françaises la Renaissance et les théories de l’humanisme — lesquelles placent la figure de l’homme au centre de toutes choses. François Ier appelle à sa cour les architectes et les peintres italiens et se pose en partisan de l’humanisme soutenu par son entourage, sa sœur Marguerite d’Angoulême ou son aumônier et lecteur personnel, Pierre du Châtel, face aux théologiens de la Sorbonne.
Aux spéculations intellectuelles de l’humanisme italien, dont la réforme typographique est porteuse, s’ajoute la volonté de la monarchie française de se doter d’une langue distincte et codifiée, ce que sanctionne l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) substituant le français au latin dans les usages officiels. Selon le souhait de François Ier, les ouvrages publiés dans le royaume sont désormais imprimés en caractères romains. À partir des années 1530, les imprimeurs abandonnent les polices gothiques à l’exception des livrets populaires — les œuvres de Rabelais publiées en bâtardes s’inscrivant alors dans cette catégorie.
En 1529, Geofroy Tory, personnalité caractéristique de la Renaissance, à la fois philosophe, libraire et ornemaniste, publie en français le Champfleury, manuel d’enseignement du dessin et de la gravure des lettres romaines, peu avant d’être nommé « imprimeur du roy », titre créé pour lui par François Ier. Le Champfleury incarne la volonté de forger une écriture nouvelle dans le cadre d’une langue en formation. À partir d’étonnantes figures géométriques comparatives, Tory propose la démonstration que la juste construction de la lettre découle des proportions du corps humain. Il établit également des règles orthographiques concernant notamment l’usage des accents, des guillemets, de l’apostrophe, associant la réforme de la typographie avec celle de l’orthographe.
Un autre grand lettré et libraire du temps, Robert Estienne, joue un rôle déterminant dans la réforme typographique et la fixation de la langue. Son travail inlassable de redécouverte des textes sacrés et de leur juste représentation confère une dimension supplémentaire à la réforme typographique : celle de la réforme religieuse. Estienne est une figure du calvinisme qui publie les classiques de ! »Antiquité en même temps que les textes religieux expurgés par ses soins des multiples ajouts du Moyen Âge. La volonté de diffuser ces textes dans une langue accessible au plus grand nombre le conduit à préciser le sens des termes français à la lumière du latin, et à entreprendre l’élaboration d’une typographie simple et parfaitement lisible. Il hérite des caractères romains conçus par Simon de Colines, mais il veut améliorer encore le matériel à sa disposition et charge Claude Garamond de graver des types sur les modèles de ceux d’Alde Manuce. Garamond conçoit les différents corps de l’alphabet qui porte son nom dans les années 1530, lesquels suscitent l’admiration unanime des lettrés, libraires et imprimeurs et stimulent la production d’autres fondeurs et graveurs. En quelques années apparaît un ensemble de caractères de grande qualité qui connaissent un large succès auprès des imprimeurs français et au-delà des frontières du royaume.
Le monde de l’imprimerie qui porte à son apogée l’« âge d’or » typagraphique en France est largement gagné à la cause de la Réforme. Celle-ci bénéficie de puissants soutiens à la Cour et dans l’Administration. La fondation du collège des Lecteurs royaux (futur Collège de France) à partir de l’administration de la Bibliothèque du roi conforte cette emprise sur le texte que cherchent à s’assurer les calvinistes. Les manuscrits hébreux et grecs y sont regroupés et placés sous la garde de Pierre du Châtel. Lequel, en 1540, passe contrat avec Claude Garamond, qui s’engage à graver des poinçons de caractères grecs sous la direction de Robert Estienne. Copiant des modèles de lettres fournis par le dessinateur crétois Ange Yergèce, Garamond donne les Grecs du roi de 1546 à 1550. Robert Estienne les emploie pour l’édition d’un Nouveau Testament qui provoque la fureur des docteurs de la Sorbonne.
Les guerres de Religion, de 1562 à 1598, marquent un coup d’arrêt à la création typographique malgré la floraison d’imprimés de propagande qui les accompagne. Fuyant les persécutions, de nombreux réformés s’installent dans les pays voisins du Nord et de l’Est où les foyers protestants sont nombreux, aux Provinces-Unies notamment. Les Elzevier, famille d’éditeurs et d’imprimeurs à Leyde, citadelle du calvinisme, profitent de l’émigration des typographes et graveurs français. Au XVIIe siècle, Christophe Yan Dyck, retenant la leçon des typographes français, grave de nouveaux caractères romains, que les Elzevier répandent en Europe à travers leurs éditions. En France, jusqu’à la Révolution, les métiers du livre sont régis par le régime strict des corporations qui les placent sous la surveillance sourcilleuse des autorités. Les imprimeries demeurent en général des ateliers de petite taille aux moyens techniques limités. Bien que l’édition française connaisse un réel essor impulsé par la création de l’imprimerie royale par Richelieu, la qualité générale du livre se dégrade et le XVIIe siècle correspond à un déclin de la typographie.
En 1666, l’Académie royale des sciences est fondée avec pour tâche de recenser et d’actualiser les pratiques des arts et métiers. Il s’agit de favoriser le développement de l’industrie en la rationalisant, de fixer un style propre au règne de Louis XIV, et de tenter de pallier la déshérence de nombreux métiers à la suite de l’exil des protestants provoqué par la révocation de l’édit de Nantes. L’Académie charge un groupe de lettrés et d’hommes de science, dit « commission Jaugeon », de réorganiser « l’art qui conservera tous les autres », celui de l’imprimerie, en se fixant pour tâche première la construction de la lettre. La commission détermine une table des proportions à partir d’une grille mathématique, selon laquelle le dessin de chaque lettre est établi. Les modèles réalisés sont fournis au graveur en taille-douce Louis Simoneau qui les transcrit sur planches, puis le graveur de poinçon Philippe Grandjean s’en inspire pour la création du « Romain du roi », caractère destiné exclusivement à ! »Imprimerie royale, incarnant l’absolutisme.
La typographie pâtit de l’absence de mesures unifiées jusqu’en 1723, date à laquelle une réglementation est instaurée qui tente de fixer les dimensions respectives des différents corps de caractères. En 1737, Pierre-Simon Fournier le Jeune, qui s’est établi fondeur de caractères, publie une Table des proportions relatives qu’il faut observer dans les caractères proposant un système rationnel de mesure du corps des caractères avec comme unité le point typographique. Entre 1764-1766, Fournier rédige, compose et imprime le Manuel typographique utile aux gens de lettres et à ceux qui exercent les différentes parties de l’art de l’imprimerie, qui constitue à la fois un traité — il y réédite sa Table des proportions avec des commentaires —, un historique des métiers du livre, ainsi qu’un recueil de ses créations. Il publie un caractère romain, caractéristique du style rocaille, dont la nouveauté réside dans sa déclinaison dans tous les corps et largeurs possibles, accompagné d’un important choix de vignettes, bordures et ornements, dont les dessins sont homogénéisés avec ceux des lettres. Ce faisant, Fournier offre la première typographie complète conçue pour répondre à l’ensemble des besoins des imprimeries dans le domaine du livre comme dans celui des « travaux de ville ». La distinction entre les travaux concernant le livre, dits « de labeur », et les travaux de ville ou « bilboquets » — cartes de visite, étiquettes, factures, faire-part, têtes de lettres ou affiches, etc. –, jusque-là purement pratique, prend un caractère de rupture avec la tradition face à l’essor de ces derniers.
Charles-Nicolas Cochin le Jeune, dessinateur des Menus-Plaisirs sous Louis XV — à ce titre un des formateurs du goût de l’époque —, longtemps adepte du style rocaille, devient l’un de ses plus virulents détracteurs. Accompagnant à Herculanum M. de Vandières, futur surintendant général des Beaux-Arts, Cochin publie ses Observations sur les fouilles d’Herculanum, en 1754, dans lesquelles il prône le retour à ! »Antique. Nommé secrétaire de l’Académie et garde du Cabinet du roi, il soutient le regain d’intérêt pour ! »Antiquité classique et l’évolution vers le néoclassicisme. Ce style qui se singularise par la rigueur des compositions et leur dépouillement traduit plus fidèlement les principes de clarté, de logique, de lisibilité caractéristiques du siècle des Lumières. L’entreprise d’édition de l'Encyclopédie est mise en œuvre selon ces principes. Bien qu’elle ne soit pas à proprement parler révolutionnaire, d’un point de vue typographique notamment, l’Encyclopédie constitue une somme sans précédent des savoirs aptes à fonder une nouvelle ère.
La dynastie des Didot, débutée avec François, libraire puis maître imprimeur, incarne dans le champ de la typographie l’accession au pouvoir de la bourgeoisie — laquelle fonde l’espoir d’une économie et d’une esthétique nouvelles fondées sur le développement rationnel des moyens de production. À cet effet, les fils de François, François-Ambroise et Pierre-François, conjuguent leurs efforts. Le premier invente la presse à un coup, en 1777, qui s’avère plus précise et permet l’emploi de caractères plus fins ; le second, créant une fonderie typographique et la papeterie d’Essonne, met en œuvre la fabrication de caractères, améliorant leur frappe grâce à l’emploi du papier vélin inventé par John Baskerville, dont il exploite le procédé. Ingénieurs dans l’âme, les Didot conçoivent à partir de calculs mathématiques un caractère romain aux forts contrastes entre les pleins et les déliés, qui tranche avec la tradition de l’écriture humaniste.
Le 4 août 1789, l’ensemble des privilèges d’Ancien Régime est aboli. Le 26 août, l’Assemblée nationale constituante promulgue la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’article 11 stipule : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement. Le nombre d’ateliers d’imprimerie, à Paris, passe de 36 à la veille de la Révolution à 200, en 1790, pour la plupart créés par d’anciens compagnons ou des libraires qui se lancent dans la production de périodiques, de pamphlets et d’affiches. L’ornementation, synonyme de la décadence de l’Ancien Régime, disparaît des imprimés. Les valeurs républicaines sont représentées à travers de nouveaux symboles, auxquels s’accorde la rigueur typographique des alphabets Didot. L’activité de gravure et d’imprimerie de Pierre et Firmin Didot, fils de François-Ambroise, et d’Henri, fils de Pierre-François, est florissante pendant la période révolutionnaire et l’Empire. Ils obtiennent des commandes officielles, telle l’édition de la Constitution de 1791, et l’octroi des locaux et matériels de l’ex-Imprimerie royale au Louvre. Pierre Didot y imprime des ouvrages aux mises en pages tendues et austères, composés avec les caractères de son jeune frère Firmin.
De 1812 a 1815, Firmin Didot, devenu premier maitre fondeur de caractères à l’Imprimerie impériale, défi:1it une nouvelle mesure typographique, basée sur le système métrique nouvellement institué, se on laquelle il grave les treize corps, romains et italiques, du “Romain de l’Empereur”, caractère qualifié plus tard de “Didot millimétrique”, qui devait se substituer au Romain du roi selon la volonté de Napoléon 1er.
La typographie des Didot donne naissance à une famille de caractères qui domine la typographie française pendant la première moitié du XIXe siècle. C’est d’abord une typographie du livre, mais sa construction, ingénieuse et visionnaire, répond aux nouveaux besoins créés par la naissance de la presse écrite, par l’essor de l’affichage politique et publicitaire, par l’inflation des imprimés administratifs et celle des travaux de ville. Les fonderies multiplient les variantes des didots les plus expressifs, dont la série dite des “Gras Vibert”, caractères à très forte opposition entre pleins et déliés, qui conviennent aux imprimés accrocheurs dont se dote la réclame. Cependant, les Anglais dès le début du XIXe sont les véritables maîtres de cette nouvelle typographie destinée à la presse et à la publicité. Ils “inventent” les égyptiennes et les antiques ou linéales, leur recherche de l’efficacité prenant très vite le pas sur l’aspect “fantaisie” de ce genre d’écritures, dans lequel les Français tendent à les cantonner.
À la fin des années 1820, le romantisme forme une réaction brutale aux valeurs imposées par la bourgeoisie. Dans le domaine de l’édition, les tenants du romantisme caressent le projet de publier et de diffuser auprès du plus grand nombre de beaux livres illustrés au moyen des techniques les plus récentes comme la lithographie ou la gravure sur bois de bout. Ces deux techniques permettent que texte et illustration ne soient plus séparés : le dessin de la lettre se reportant sur la pierre lithographique associé à l’image, la gravure sur bois de bout s’imprimant dans la même forme que la typographie. Des éditeurs comme Léon Curmer s’engagent dans la publication d’ouvrages abondamment illustrés dont les vignettes gravées sur bois s’intègrent au texte et le ponctuent. Les pages de titre des livres romantiques se présentent comme des manifestes remettant en cause le magistère typographique des Didot. Les caractères romains y sont associés aux gothiques — écriture dont l’engouement romantique pour le Moyen Âge justifie le regain de faveur. Inventé par le graveur Célestin Nanteuil, le frontispice “à la cathédrale” s’impose.
L’abandon du principe de l’unité typographique de la page de titre ouvre la voie à de multiples expérimentations, mais conduit également à une surenchère entretenue par les fondeurs et les lithographes. Ceux-ci proposent des lettres de titrage dont les fûts, les panses sont éclairés, arrondis, creusés, effilés, les empattements fendus, emboulés, pourvus d’excroissances, le tout encadré, ombré, rempli des éléments décoratifs les plus variés. il se crée des lettres purement fantasmagoriques à l’exemple des alphabets de Jean Midolle.
Charles Nodier, avec son Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux illustré par Tony Johannot, témoigne du phénomène et ironise sur l’envahissement du texte comme de la page par les procédés de la réclame. Nodier est par ailleurs à l’origine d’une des plus prestigieuses séries lithographiques, les
Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Sa démarche est significative de l’état d’esprit romantique qui souhaite que chacun puisse accéder à la beauté, dont la conception doit demeurer l’apanage d’un cercle choisi et restreint. Grandville dans Un autre monde, ouvrage dont il assure la complète réalisation, pousse à ses limites le paradoxe romantique, délivrant la vision cauchemardesque d’un univers envahi par les signes et les images rêvés.
La presse satirique illustrée naît grâce aux possibilités offertes par la lithographie dans le climat révolutionnaire des années 1830. Charles Philipon lance, en novembre 1830, La Caricature morale, littéraire et scénique, à laquelle collaborent Honoré de Balzac, Grandville, Eugène Forest, Honoré Daumier. À la suite de l’attentat de Giuseppe Fieschi contre Louis-Philippe, les “lois infernales” de septembre 1835 interdisent les caricatures à contenu politique et soumettent à la censure préalable les dessins “de quelque nature qu’ils fussent”. La Caricature cesse de paraître. Philipon fonde Le Charivari, en 1832, qui reprend la formule, modérant ses propos. Toutefois la leçon est apprise d’une presse illustrée associant étroitement dessins et textes incisifs et irrévérencieux.
De 1840 à 1880, l’image gagne tous les supports : journaux, albums, livres, affiches, partitions, prospectus, etc. Avec le succès grandissant de la presse de feuilleton, des hebdomadaires à sensation, des périodiques destinés aux familles, la presse écrite concurrence désormais le livre, et les éditeurs sont forcés d’innover. Des affiches attractives annoncent les nouvelles parutions ; les éditeurs font passer des réclames dans les journaux, phénomène inconnu jusque-là. La littérature de la jeunesse en France apparaît comme le laboratoire de ce renouveau. Pierre-Jules Hetzel lance le Magasin d’éducation et de récréation, en 1864, où s’exprime une nouvelle génération d’auteurs et de dessinateurs. Les romans de Jules Verne, dont la première édition illustrée date de 1865, paraissent dans les colonnes du Magasin avant de faire l’objet d’une édition.
À la stagnation relative du marché durant la première moitié du siècle, due à la démographie médiocre et à l’alphabétisation tardive de régions entières autant qu’à la frilosité des investisseurs, succède l’expansion générale de l’imprimerie qui connaît son apogée à la Belle Époque. Le nombre d’ateliers décuple en l’espace d’un siècle, certains atteignant une dimension industrielle. La production s’accroît considérablement, entraînée par l’expansion de la presse écrite et le développement des travaux de ville, tout particulièrement des prospectus et des catalogues publicitaires.
Pour composer l’ouvrage d’Alphonse de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, en 1846, l’imprimeur lyonnais Louis Perrin fait graver des caractères — les augustaux — sur le modèle des capitales d’inscriptions découvertes dans des fouilles archéologiques. Théophile Beaudoire réalise une nouvelle gravure de ces types sous le titre d’elzévir, en 1858. De nombreux éditeurs et imprimeurs lassés de l’emploi systématique des didots, notamment pour l’impression des textes anciens, et décontenancés par l’envahissement de la typographie à bon marché destinée à l’édition populaire et à la réclame font un triomphe à ces nouveaux types qui semblent répondre à un besoin de “retour aux sources”. Les éditions de bibliophiles, lancées à partir de 1860, les consacrent ; leur emploi exclusif par l’éditeur Alphonse Lemerre devient caractéristique de la poésie parnassienne. Leur mode se propage à toute l’Europe, Angleterre exceptée, et les fondeurs rivalisent pour s’approprier et diffuser ces types.
À partir des années 1870, le règne de la typographie française en Europe — qui a concordé avec l ’hégémonie de la langue nationale — commence à être remis en cause par la concurrence des fonderies allemandes. Puis, alors qu’en France la typographie demeure encore fondamentalement liée au livre, la mise sur le marché des machines à composer Linotype et Monotype, dans les années 1880, conçues pour la presse écrite à grand tirage, conduit à la création par les fondeurs anglo-saxons de caractères facilitant la lecture rapide des imprimés qui connaissent un rapide succès international.
L’affiche illustrée connaît un réel développement grâce aux améliorations de la technique lithographique, sans toutefois que la reproduction des couleurs soit satisfaisante. Jules Chéret, séjournant à Londres, dans les années 1859-1866, s’y perfectionne dans l’an de la lithographie, apprenant à maîtriser les nouvelles techniques d’impression de la couleur sur de grands formats. En 1866, de retour à Paris, il fonde sa propre imprimerie et édite les premières affiches chromolithographiques. En conférant à l’affiche l’ensemble des possibilités de la couleur, il l’installe aussitôt au plus près des préoccupations esthétique et scientifique de son temps. Les taches vives des affiches sur les murs semblent soutenir le propos impressionniste, “Le noir n’est pas dans la nature”, ou témoigner des recherches des théoriciens de la couleur, comme Charles Henry, qui posent les lois du contraste et du rythme chromatiques, dont de nombreux artistes vont dès lors s’inspirer.
Les guerres d’Italie déclenchées par les ambitions de la monarchie française au tournant du XVIe siècle font découvrir aux élites françaises la Renaissance et les théories de l’humanisme — lesquelles placent la figure de l’homme au centre de toutes choses. François Ier appelle à sa cour les architectes et les peintres italiens et se pose en partisan de l’humanisme soutenu par son entourage, sa sœur Marguerite d’Angoulême ou son aumônier et lecteur personnel, Pierre du Châtel, face aux théologiens de la Sorbonne.
Aux spéculations intellectuelles de l’humanisme italien, dont la réforme typographique est porteuse, s’ajoute la volonté de la monarchie française de se doter d’une langue distincte et codifiée, ce que sanctionne l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) substituant le français au latin dans les usages officiels. Selon le souhait de François Ier, les ouvrages publiés dans le royaume sont désormais imprimés en caractères romains. À partir des années 1530, les imprimeurs abandonnent les polices gothiques à l’exception des livrets populaires — les œuvres de Rabelais publiées en bâtardes s’inscrivant alors dans cette catégorie.
En 1529, Geofroy Tory, personnalité caractéristique de la Renaissance, à la fois philosophe, libraire et ornemaniste, publie en français le Champfleury, manuel d’enseignement du dessin et de la gravure des lettres romaines, peu avant d’être nommé « imprimeur du roy », titre créé pour lui par François Ier. Le Champfleury incarne la volonté de forger une écriture nouvelle dans le cadre d’une langue en formation. À partir d’étonnantes figures géométriques comparatives, Tory propose la démonstration que la juste construction de la lettre découle des proportions du corps humain. Il établit également des règles orthographiques concernant notamment l’usage des accents, des guillemets, de l’apostrophe, associant la réforme de la typographie avec celle de l’orthographe.
Un autre grand lettré et libraire du temps, Robert Estienne, joue un rôle déterminant dans la réforme typographique et la fixation de la langue. Son travail inlassable de redécouverte des textes sacrés et de leur juste représentation confère une dimension supplémentaire à la réforme typographique : celle de la réforme religieuse. Estienne est une figure du calvinisme qui publie les classiques de ! »Antiquité en même temps que les textes religieux expurgés par ses soins des multiples ajouts du Moyen Âge. La volonté de diffuser ces textes dans une langue accessible au plus grand nombre le conduit à préciser le sens des termes français à la lumière du latin, et à entreprendre l’élaboration d’une typographie simple et parfaitement lisible. Il hérite des caractères romains conçus par Simon de Colines, mais il veut améliorer encore le matériel à sa disposition et charge Claude Garamond de graver des types sur les modèles de ceux d’Alde Manuce. Garamond conçoit les différents corps de l’alphabet qui porte son nom dans les années 1530, lesquels suscitent l’admiration unanime des lettrés, libraires et imprimeurs et stimulent la production d’autres fondeurs et graveurs. En quelques années apparaît un ensemble de caractères de grande qualité qui connaissent un large succès auprès des imprimeurs français et au-delà des frontières du royaume.
Le monde de l’imprimerie qui porte à son apogée l’« âge d’or » typagraphique en France est largement gagné à la cause de la Réforme. Celle-ci bénéficie de puissants soutiens à la Cour et dans l’Administration. La fondation du collège des Lecteurs royaux (futur Collège de France) à partir de l’administration de la Bibliothèque du roi conforte cette emprise sur le texte que cherchent à s’assurer les calvinistes. Les manuscrits hébreux et grecs y sont regroupés et placés sous la garde de Pierre du Châtel. Lequel, en 1540, passe contrat avec Claude Garamond, qui s’engage à graver des poinçons de caractères grecs sous la direction de Robert Estienne. Copiant des modèles de lettres fournis par le dessinateur crétois Ange Yergèce, Garamond donne les Grecs du roi de 1546 à 1550. Robert Estienne les emploie pour l’édition d’un Nouveau Testament qui provoque la fureur des docteurs de la Sorbonne.
Les guerres de Religion, de 1562 à 1598, marquent un coup d’arrêt à la création typographique malgré la floraison d’imprimés de propagande qui les accompagne. Fuyant les persécutions, de nombreux réformés s’installent dans les pays voisins du Nord et de l’Est où les foyers protestants sont nombreux, aux Provinces-Unies notamment. Les Elzevier, famille d’éditeurs et d’imprimeurs à Leyde, citadelle du calvinisme, profitent de l’émigration des typographes et graveurs français. Au XVIIe siècle, Christophe Yan Dyck, retenant la leçon des typographes français, grave de nouveaux caractères romains, que les Elzevier répandent en Europe à travers leurs éditions. En France, jusqu’à la Révolution, les métiers du livre sont régis par le régime strict des corporations qui les placent sous la surveillance sourcilleuse des autorités. Les imprimeries demeurent en général des ateliers de petite taille aux moyens techniques limités. Bien que l’édition française connaisse un réel essor impulsé par la création de l’imprimerie royale par Richelieu, la qualité générale du livre se dégrade et le XVIIe siècle correspond à un déclin de la typographie.
En 1666, l’Académie royale des sciences est fondée avec pour tâche de recenser et d’actualiser les pratiques des arts et métiers. Il s’agit de favoriser le développement de l’industrie en la rationalisant, de fixer un style propre au règne de Louis XIV, et de tenter de pallier la déshérence de nombreux métiers à la suite de l’exil des protestants provoqué par la révocation de l’édit de Nantes. L’Académie charge un groupe de lettrés et d’hommes de science, dit « commission Jaugeon », de réorganiser « l’art qui conservera tous les autres », celui de l’imprimerie, en se fixant pour tâche première la construction de la lettre. La commission détermine une table des proportions à partir d’une grille mathématique, selon laquelle le dessin de chaque lettre est établi. Les modèles réalisés sont fournis au graveur en taille-douce Louis Simoneau qui les transcrit sur planches, puis le graveur de poinçon Philippe Grandjean s’en inspire pour la création du « Romain du roi », caractère destiné exclusivement à ! »Imprimerie royale, incarnant l’absolutisme.
La typographie pâtit de l’absence de mesures unifiées jusqu’en 1723, date à laquelle une réglementation est instaurée qui tente de fixer les dimensions respectives des différents corps de caractères. En 1737, Pierre-Simon Fournier le Jeune, qui s’est établi fondeur de caractères, publie une Table des proportions relatives qu’il faut observer dans les caractères proposant un système rationnel de mesure du corps des caractères avec comme unité le point typographique. Entre 1764-1766, Fournier rédige, compose et imprime le Manuel typographique utile aux gens de lettres et à ceux qui exercent les différentes parties de l’art de l’imprimerie, qui constitue à la fois un traité — il y réédite sa Table des proportions avec des commentaires —, un historique des métiers du livre, ainsi qu’un recueil de ses créations. Il publie un caractère romain, caractéristique du style rocaille, dont la nouveauté réside dans sa déclinaison dans tous les corps et largeurs possibles, accompagné d’un important choix de vignettes, bordures et ornements, dont les dessins sont homogénéisés avec ceux des lettres. Ce faisant, Fournier offre la première typographie complète conçue pour répondre à l’ensemble des besoins des imprimeries dans le domaine du livre comme dans celui des « travaux de ville ». La distinction entre les travaux concernant le livre, dits « de labeur », et les travaux de ville ou « bilboquets » — cartes de visite, étiquettes, factures, faire-part, têtes de lettres ou affiches, etc. –, jusque-là purement pratique, prend un caractère de rupture avec la tradition face à l’essor de ces derniers.
Charles-Nicolas Cochin le Jeune, dessinateur des Menus-Plaisirs sous Louis XV — à ce titre un des formateurs du goût de l’époque —, longtemps adepte du style rocaille, devient l’un de ses plus virulents détracteurs. Accompagnant à Herculanum M. de Vandières, futur surintendant général des Beaux-Arts, Cochin publie ses Observations sur les fouilles d’Herculanum, en 1754, dans lesquelles il prône le retour à ! »Antique. Nommé secrétaire de l’Académie et garde du Cabinet du roi, il soutient le regain d’intérêt pour ! »Antiquité classique et l’évolution vers le néoclassicisme. Ce style qui se singularise par la rigueur des compositions et leur dépouillement traduit plus fidèlement les principes de clarté, de logique, de lisibilité caractéristiques du siècle des Lumières. L’entreprise d’édition de l'Encyclopédie est mise en œuvre selon ces principes. Bien qu’elle ne soit pas à proprement parler révolutionnaire, d’un point de vue typographique notamment, l’Encyclopédie constitue une somme sans précédent des savoirs aptes à fonder une nouvelle ère.
La dynastie des Didot, débutée avec François, libraire puis maître imprimeur, incarne dans le champ de la typographie l’accession au pouvoir de la bourgeoisie — laquelle fonde l’espoir d’une économie et d’une esthétique nouvelles fondées sur le développement rationnel des moyens de production. À cet effet, les fils de François, François-Ambroise et Pierre-François, conjuguent leurs efforts. Le premier invente la presse à un coup, en 1777, qui s’avère plus précise et permet l’emploi de caractères plus fins ; le second, créant une fonderie typographique et la papeterie d’Essonne, met en œuvre la fabrication de caractères, améliorant leur frappe grâce à l’emploi du papier vélin inventé par John Baskerville, dont il exploite le procédé. Ingénieurs dans l’âme, les Didot conçoivent à partir de calculs mathématiques un caractère romain aux forts contrastes entre les pleins et les déliés, qui tranche avec la tradition de l’écriture humaniste.
Le 4 août 1789, l’ensemble des privilèges d’Ancien Régime est aboli. Le 26 août, l’Assemblée nationale constituante promulgue la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’article 11 stipule : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement. Le nombre d’ateliers d’imprimerie, à Paris, passe de 36 à la veille de la Révolution à 200, en 1790, pour la plupart créés par d’anciens compagnons ou des libraires qui se lancent dans la production de périodiques, de pamphlets et d’affiches. L’ornementation, synonyme de la décadence de l’Ancien Régime, disparaît des imprimés. Les valeurs républicaines sont représentées à travers de nouveaux symboles, auxquels s’accorde la rigueur typographique des alphabets Didot. L’activité de gravure et d’imprimerie de Pierre et Firmin Didot, fils de François-Ambroise, et d’Henri, fils de Pierre-François, est florissante pendant la période révolutionnaire et l’Empire. Ils obtiennent des commandes officielles, telle l’édition de la Constitution de 1791, et l’octroi des locaux et matériels de l’ex-Imprimerie royale au Louvre. Pierre Didot y imprime des ouvrages aux mises en pages tendues et austères, composés avec les caractères de son jeune frère Firmin.
De 1812 a 1815, Firmin Didot, devenu premier maitre fondeur de caractères à l’Imprimerie impériale, défi:1it une nouvelle mesure typographique, basée sur le système métrique nouvellement institué, se on laquelle il grave les treize corps, romains et italiques, du “Romain de l’Empereur”, caractère qualifié plus tard de “Didot millimétrique”, qui devait se substituer au Romain du roi selon la volonté de Napoléon 1er.
La typographie des Didot donne naissance à une famille de caractères qui domine la typographie française pendant la première moitié du XIXe siècle. C’est d’abord une typographie du livre, mais sa construction, ingénieuse et visionnaire, répond aux nouveaux besoins créés par la naissance de la presse écrite, par l’essor de l’affichage politique et publicitaire, par l’inflation des imprimés administratifs et celle des travaux de ville. Les fonderies multiplient les variantes des didots les plus expressifs, dont la série dite des “Gras Vibert”, caractères à très forte opposition entre pleins et déliés, qui conviennent aux imprimés accrocheurs dont se dote la réclame. Cependant, les Anglais dès le début du XIXe sont les véritables maîtres de cette nouvelle typographie destinée à la presse et à la publicité. Ils “inventent” les égyptiennes et les antiques ou linéales, leur recherche de l’efficacité prenant très vite le pas sur l’aspect “fantaisie” de ce genre d’écritures, dans lequel les Français tendent à les cantonner.
À la fin des années 1820, le romantisme forme une réaction brutale aux valeurs imposées par la bourgeoisie. Dans le domaine de l’édition, les tenants du romantisme caressent le projet de publier et de diffuser auprès du plus grand nombre de beaux livres illustrés au moyen des techniques les plus récentes comme la lithographie ou la gravure sur bois de bout. Ces deux techniques permettent que texte et illustration ne soient plus séparés : le dessin de la lettre se reportant sur la pierre lithographique associé à l’image, la gravure sur bois de bout s’imprimant dans la même forme que la typographie. Des éditeurs comme Léon Curmer s’engagent dans la publication d’ouvrages abondamment illustrés dont les vignettes gravées sur bois s’intègrent au texte et le ponctuent. Les pages de titre des livres romantiques se présentent comme des manifestes remettant en cause le magistère typographique des Didot. Les caractères romains y sont associés aux gothiques — écriture dont l’engouement romantique pour le Moyen Âge justifie le regain de faveur. Inventé par le graveur Célestin Nanteuil, le frontispice “à la cathédrale” s’impose.
L’abandon du principe de l’unité typographique de la page de titre ouvre la voie à de multiples expérimentations, mais conduit également à une surenchère entretenue par les fondeurs et les lithographes. Ceux-ci proposent des lettres de titrage dont les fûts, les panses sont éclairés, arrondis, creusés, effilés, les empattements fendus, emboulés, pourvus d’excroissances, le tout encadré, ombré, rempli des éléments décoratifs les plus variés. il se crée des lettres purement fantasmagoriques à l’exemple des alphabets de Jean Midolle.
Charles Nodier, avec son Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux illustré par Tony Johannot, témoigne du phénomène et ironise sur l’envahissement du texte comme de la page par les procédés de la réclame. Nodier est par ailleurs à l’origine d’une des plus prestigieuses séries lithographiques, les
Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Sa démarche est significative de l’état d’esprit romantique qui souhaite que chacun puisse accéder à la beauté, dont la conception doit demeurer l’apanage d’un cercle choisi et restreint. Grandville dans Un autre monde, ouvrage dont il assure la complète réalisation, pousse à ses limites le paradoxe romantique, délivrant la vision cauchemardesque d’un univers envahi par les signes et les images rêvés.
La presse satirique illustrée naît grâce aux possibilités offertes par la lithographie dans le climat révolutionnaire des années 1830. Charles Philipon lance, en novembre 1830, La Caricature morale, littéraire et scénique, à laquelle collaborent Honoré de Balzac, Grandville, Eugène Forest, Honoré Daumier. À la suite de l’attentat de Giuseppe Fieschi contre Louis-Philippe, les “lois infernales” de septembre 1835 interdisent les caricatures à contenu politique et soumettent à la censure préalable les dessins “de quelque nature qu’ils fussent”. La Caricature cesse de paraître. Philipon fonde Le Charivari, en 1832, qui reprend la formule, modérant ses propos. Toutefois la leçon est apprise d’une presse illustrée associant étroitement dessins et textes incisifs et irrévérencieux.
De 1840 à 1880, l’image gagne tous les supports : journaux, albums, livres, affiches, partitions, prospectus, etc. Avec le succès grandissant de la presse de feuilleton, des hebdomadaires à sensation, des périodiques destinés aux familles, la presse écrite concurrence désormais le livre, et les éditeurs sont forcés d’innover. Des affiches attractives annoncent les nouvelles parutions ; les éditeurs font passer des réclames dans les journaux, phénomène inconnu jusque-là. La littérature de la jeunesse en France apparaît comme le laboratoire de ce renouveau. Pierre-Jules Hetzel lance le Magasin d’éducation et de récréation, en 1864, où s’exprime une nouvelle génération d’auteurs et de dessinateurs. Les romans de Jules Verne, dont la première édition illustrée date de 1865, paraissent dans les colonnes du Magasin avant de faire l’objet d’une édition.
À la stagnation relative du marché durant la première moitié du siècle, due à la démographie médiocre et à l’alphabétisation tardive de régions entières autant qu’à la frilosité des investisseurs, succède l’expansion générale de l’imprimerie qui connaît son apogée à la Belle Époque. Le nombre d’ateliers décuple en l’espace d’un siècle, certains atteignant une dimension industrielle. La production s’accroît considérablement, entraînée par l’expansion de la presse écrite et le développement des travaux de ville, tout particulièrement des prospectus et des catalogues publicitaires.
Pour composer l’ouvrage d’Alphonse de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, en 1846, l’imprimeur lyonnais Louis Perrin fait graver des caractères — les augustaux — sur le modèle des capitales d’inscriptions découvertes dans des fouilles archéologiques. Théophile Beaudoire réalise une nouvelle gravure de ces types sous le titre d’elzévir, en 1858. De nombreux éditeurs et imprimeurs lassés de l’emploi systématique des didots, notamment pour l’impression des textes anciens, et décontenancés par l’envahissement de la typographie à bon marché destinée à l’édition populaire et à la réclame font un triomphe à ces nouveaux types qui semblent répondre à un besoin de “retour aux sources”. Les éditions de bibliophiles, lancées à partir de 1860, les consacrent ; leur emploi exclusif par l’éditeur Alphonse Lemerre devient caractéristique de la poésie parnassienne. Leur mode se propage à toute l’Europe, Angleterre exceptée, et les fondeurs rivalisent pour s’approprier et diffuser ces types.
À partir des années 1870, le règne de la typographie française en Europe — qui a concordé avec l ’hégémonie de la langue nationale — commence à être remis en cause par la concurrence des fonderies allemandes. Puis, alors qu’en France la typographie demeure encore fondamentalement liée au livre, la mise sur le marché des machines à composer Linotype et Monotype, dans les années 1880, conçues pour la presse écrite à grand tirage, conduit à la création par les fondeurs anglo-saxons de caractères facilitant la lecture rapide des imprimés qui connaissent un rapide succès international.
L’affiche illustrée connaît un réel développement grâce aux améliorations de la technique lithographique, sans toutefois que la reproduction des couleurs soit satisfaisante. Jules Chéret, séjournant à Londres, dans les années 1859-1866, s’y perfectionne dans l’an de la lithographie, apprenant à maîtriser les nouvelles techniques d’impression de la couleur sur de grands formats. En 1866, de retour à Paris, il fonde sa propre imprimerie et édite les premières affiches chromolithographiques. En conférant à l’affiche l’ensemble des possibilités de la couleur, il l’installe aussitôt au plus près des préoccupations esthétique et scientifique de son temps. Les taches vives des affiches sur les murs semblent soutenir le propos impressionniste, “Le noir n’est pas dans la nature”, ou témoigner des recherches des théoriciens de la couleur, comme Charles Henry, qui posent les lois du contraste et du rythme chromatiques, dont de nombreux artistes vont dès lors s’inspirer.
les origines du graphisme
Arts and Crafts
On considère généralement que le premier mouvement d’importance au sens «d’École» du design graphique est le courant Arts & Crafts. Il s’inscrit alors dans une Grande-Bretagne de la seconde moitié du XIXe siècle ayant déjà opéré sa révolution industrielle, et valorisera en réaction des productions artisanals.
Refusant la séparation des notions d’art et d’art décoratif (considéré comme art mineur) et travaillant à la mise à l’honneur du Moyen Âge comme source d’inspiration. Il s'apparente au courant «Préraphaélite», dédaignant le conformisme académique qui s’était placé sous le patronage symbolique du peintre de la haute-renaissance Raffaello Sanzio (dit Raphaël), lui préférera comme modèle ce prédécesseur du XVe siècle.
Refusant la séparation des notions d’art et d’art décoratif (considéré comme art mineur) et travaillant à la mise à l’honneur du Moyen Âge comme source d’inspiration. Il s'apparente au courant «Préraphaélite», dédaignant le conformisme académique qui s’était placé sous le patronage symbolique du peintre de la haute-renaissance Raffaello Sanzio (dit Raphaël), lui préférera comme modèle ce prédécesseur du XVe siècle.
À l'origine du mouvement Arts and Craft, William Morris (1834-1896) créera en 1891 la Kelmscott Press. Cette maison d'édition démontre son engagement à retrouver des formes de graphies et de mises en page inspirées des incunables du XVe siècle.
Démarche globale, le mouvement Arts & Carfts en s'est pas uniquement préoccupé de design graphique. En témoigne l'importante production de Williams Morris en design textile ou encore l'influence qu'aura le mouvement sur le designer d'intérieur Gustav Stickley et les mouvement Craftman déclinant outre-atlantique les préceptes de Morris.
En parallèle, se constitura l'école de Glasgow que l'on peut rapproché de l'Arts and Carfts par son symbolisme et son romantisme mais qui sera d'avantage influencé par les estampe japonaise.
Ce mouvement portera la question de la finalité de l’art plus loin que le mouvement des Arts and Crafts. Il Prône une séparation complète de l’art et de l’utilité, reprenant à leurs compte l'expression de l'art pour l'art du philosophe Victor Cousin en 1818. Parmis les travaux caractéristique de la periode nous pouvons citer, les illustration de Beardsley.
l'Affichisme français et art nouveaux
Outre-manche, un pont avec l'Art nouveau naissant, Henri de Toulouse-Lautrec optera pour des gammes de couleurs plus restreinte la simplification des forme et une composition basé sur le contraste.
Danseuse de cancan et la foule noire en arrière-plan, tenancier du bouge à l'anatomie stylisé nous invitant à entré d'un geste découpé, Sous-vêtements complètement blancs où l'absence d'impression, c'est à dire le papier brute devient partie intégrante du dessin.
Répétions des mots «Moulin Rouge» sur l’affiche, Typographie imitant le rythme rebondissant de la salle de danse, les mots ici s’intègrent dans l’espace de l’affiche. Sans oublier la subjectivité de l'auteur, perceptible dans le traitement du visage de la danseuse, et son expression presque triste. Lautrec produit ici une représentation de la vie social des salles de danse parisienne, mêlant média commercial et expression personnel.
Danseuse de cancan et la foule noire en arrière-plan, tenancier du bouge à l'anatomie stylisé nous invitant à entré d'un geste découpé, Sous-vêtements complètement blancs où l'absence d'impression, c'est à dire le papier brute devient partie intégrante du dessin.
Répétions des mots «Moulin Rouge» sur l’affiche, Typographie imitant le rythme rebondissant de la salle de danse, les mots ici s’intègrent dans l’espace de l’affiche. Sans oublier la subjectivité de l'auteur, perceptible dans le traitement du visage de la danseuse, et son expression presque triste. Lautrec produit ici une représentation de la vie social des salles de danse parisienne, mêlant média commercial et expression personnel.
Contemporains de Lautrec, Théophile Alexandre Steinlen marque aussi l'histoire de l'affiche avec La tourné du chat noir, reprenant les principes de l'aplat, élégance des forme et donnera lui aussi une dimension sociale et engagée à ses illustrations.
Mais c'est Chéret qui inventera l’affiche moderne en privilégiant la perception globale, des gammes de couleurs chaudes et vives, un langage publicitaire optimiste, un graphisme souple et dynamique, enlevé.
Parfaisant la fusion entre art-déco et affichisme, Alfons Mucha créera le «style Mucha» caractérisé par des figures féminines hiératique et statique, toujours au centre de ses compositions. Telle une icône, tête est souvent auréolée. Le traitement graphique de certain éléments, les cheveux, les vêtements contribue cependant à donner un aspect vivant et dynamique.
Grasset (architecte de formation) s’intéressera aux arts décoratifs et à l’environnement. Il produira pour les édition Larousse, le notable monogramme de la semeuse en 1897. Proto-logotype synthétisant les enseignement de W. Morris et l'esthétique Art nouveau.
Ce mouvement s'épuise en France à partir du début du XXe. Mais sera perpétué avec la session viennoise et la revu Ver Sacrum ou la typographie deviens un élément majeur prenant valeur d'image et la remplace parfois au détriment de la lisibilité. Ce courant appelé Jugenstill peut être identifié comme le pendant et la continuation germanique de l'Art nouveau
En 1894, L'entreprise Tropon nomme Henry Van de Velde directeur de la publicité et de la conception graphiste. Réalisant une affiche promouvant un complément alimentaire protéiné : le Tropon, Van de Velde représente de façon très stylisé, des blanc d'oeuf séparé des jaune. Formé comme peintre en Belgique, van de Velde est fortement influencé l’Art nouveau d'Orta. Disciple du mouvement Arts and Crafts, il croyait au concept de design total - une union entre les beaux-arts et les arts appliqués. Au allure d'art nouveau, cette affiche marque en figurant sur son illustration le processus de fabrication du produit. Elle est en ce terme précurseur du modernisme fonctionnel.
la modernité
L’architecture, le design d'interieur et le design graphique commencent à partager les sensibilités modernes de l’abstraction. L’une et l’autre se sont influencées. Les travaux des architectes/designers Charles Rennie Mackintosh (1868-1928) et Frank Lloyd Wright (1867-1959) ont montré la voie d'une nouvelle géométrie. Le quadrillage et les motifs linéaires des mobilié de Mackintosh sont un exemple raffiné et presque excentrique de géométrie et d’abstraction.
Architecte de formation lui aussi, Peter Behrens, est engagé en 1907 comme conseiller artistique de la plus grande entreprise de fabrication de matériel électrique de l'époque, Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft (AEG) à Berlin. Le travail de Behrens consistait à déterminer et à gérer l’identité d’AEG, de l’architecture au design industriel et graphique.
Mais en tant que graphiste, il a établi une norme complètement nouvelle et un ton moderne pour le domaine en unifiant l’art et l’industrie. Outre le logotype de la firme, Behrens développe une police de caractères complète pour AEG, unifiant toute sa publicité. Ce qui fait de sont travail pour l'entreprise un des premiers exemple de charte graphique ou de design-system aboutis et complet
Graphisme et avant-garde : le modernisme
cubisme et influences
Aux expérimentations issues des Arts and Crafts et du succèdent de nouveaux mouvements qui poursuivent et radicalisent leurs innovations.
Elles reflètent les mutations du xxe siècle naissant.
Si travail et les écrits de l’artiste Paul Cézanne (1839- 1906) ont contribué à déterminer la direction que prendrait l’abstraction visuelle. L’accent qu’il a mis sur les formes de base - cylindre, sphère et cône - a eu un impact énorme dans le monde de l’art.
Elles reflètent les mutations du xxe siècle naissant.
Si travail et les écrits de l’artiste Paul Cézanne (1839- 1906) ont contribué à déterminer la direction que prendrait l’abstraction visuelle. L’accent qu’il a mis sur les formes de base - cylindre, sphère et cône - a eu un impact énorme dans le monde de l’art.
Les graphistes, influencés par Cézanne, ont récupéré ces principes de simplification pré-cubiste. En témoigne la pratique du jeune designer Lucian Bernhard a et son approche réductionniste du graphisme. La proposition qu'il produira lors d'un concours pour les allumettes Priester ne présente plus que le produit annoncé, les allumettes et le nom Priester. Cette attitude d’«économie de moyens» continuera à fleurir, sous l’influence des influences politiques et culturelles, tout au long du reste du siècle.
L’artiste Pablo Picasso (1882-1973) a été très influencé par l’oeuvre et les paroles de Cézanne. Picasso a combiné l’apporoche de Cézanne avec son propre intérêt pour les qualités brutes et abstraites de l’art traditionnel africain. Les peintures et les sculptures de Picasso ont conduit au développement du cubisme, l’un des mouvements artistiques les plus influents du XXe siècle. Son tableau marquant Les Demoiselles d’Avignon mettait en scène des figures qui étaient décomposées en formes semi-abstraites.
Picasso a montré ces formes figuratives sous plusieurs points de vue simultanément, remettant ainsi en question les notions établies de point de vue, de réalité, de temps et d’espace. Ce tableau a été achevé juste après la publication de la théorie spéciale de la relativité d’Einstein, qui explorait des théories de l’espace et du temps totalement nouvelles. Gertrude Stein (1874-1946), une amie proche de Picasso, a utilisé les mêmes théories de l’espace et du temps simultanés dans ses écrits. Le compositeur Erik Satie (1866-1925) a également adopté des concepts similaires dans sa musique, en revisitant les mêmes thèmes musicaux sous différents angles. Il a collaboré avec Picasso pour le ballet Parade. Les arts visuels, la littérature, la musique et la science évoluaient ets’influençaient tous les uns les autres.
Un autre artiste et ami, Georges Braque (1882-1963), a particulièrement apprécié la façon dont le cubisme a écarté toutes les techniques du passé (perspective, raccourcis, modélisation et clair-obscur, ou représentation
par contrastes clair-obscur) et a aidé Picasso à envisager un mouvement artistique entièrement nouveau.
Ensemble, Braque et Picasso ont peint une nouvelle réalité qui a laissé de côté les anciennes théories de l’art. Le cubisme n’imitait pas la nature. Sa nouvelle approche pouvait être appliquée à tous les arts, qu’ils soient beaux ou appliqués, leur donnant la liberté d’interpréter la forme et l’espace d’une nouvelle manière. C’était une rupture totale avec le passé et offrait la possibilité d’explorer la créativité d’une manière que les artistes n’avaient jamais expérimentée auparavant.
Picasso a montré ces formes figuratives sous plusieurs points de vue simultanément, remettant ainsi en question les notions établies de point de vue, de réalité, de temps et d’espace. Ce tableau a été achevé juste après la publication de la théorie spéciale de la relativité d’Einstein, qui explorait des théories de l’espace et du temps totalement nouvelles. Gertrude Stein (1874-1946), une amie proche de Picasso, a utilisé les mêmes théories de l’espace et du temps simultanés dans ses écrits. Le compositeur Erik Satie (1866-1925) a également adopté des concepts similaires dans sa musique, en revisitant les mêmes thèmes musicaux sous différents angles. Il a collaboré avec Picasso pour le ballet Parade. Les arts visuels, la littérature, la musique et la science évoluaient ets’influençaient tous les uns les autres.
Un autre artiste et ami, Georges Braque (1882-1963), a particulièrement apprécié la façon dont le cubisme a écarté toutes les techniques du passé (perspective, raccourcis, modélisation et clair-obscur, ou représentation
par contrastes clair-obscur) et a aidé Picasso à envisager un mouvement artistique entièrement nouveau.
Ensemble, Braque et Picasso ont peint une nouvelle réalité qui a laissé de côté les anciennes théories de l’art. Le cubisme n’imitait pas la nature. Sa nouvelle approche pouvait être appliquée à tous les arts, qu’ils soient beaux ou appliqués, leur donnant la liberté d’interpréter la forme et l’espace d’une nouvelle manière. C’était une rupture totale avec le passé et offrait la possibilité d’explorer la créativité d’une manière que les artistes n’avaient jamais expérimentée auparavant.